Autour de Tropical Deep-Sea Benthos

Bien que l'essentiel des résultats ait été du domaine de la taxonomie, il faut noter d'importantes retombées de ce programme dans les secteurs de la pharmacologie et, plus récemment, de la biologie moléculaire. En effet, des molécules actives ont pu être isolées dans des organismes de profondeur appartenant aux Eponges et aux Echinodermes. Il s'agit principalement de pigments, d'alcaloïdes ou de stéroïdes présentant des activités antivirales ou anticancéreuses.

La pharmacopée utilisée en occident est encore basée, à plus de 80 %, sur des molécules extraites des plantes. Dès les années 1970, plusieurs nations se sont lancées dans la quête de molécules actives dans les organismes marins. Le monde tropical, et en particulier les écosystèmes coralliens, présentant une biodiversité spécifique plus grande furent l'objet de recherches intensives en Australie et en Nouvelle-Calédonie. Au Centre de Nouméa, l'IRD développa le programme SNOM (Substances Naturelles d'Origine Marines) de 1975 à 1983 dans le but de détecter la présence de molécules actives utilisables par l'homme dans les organismes marins. L'exploration en plongée en scaphandre autonome permît d'examiner la composition biochimique de la macrofaune et de la macroflore dans la tranche bathymétrique 0-60 m. A partir de 1986, ce programme évolua, s'intitula SMIB (Substances Marines d'Intérêt Biologique) et commença à s'intéresser aux organismes marins de la zone bathyale. Une collaboration s'instaura entre les benthologues effectuant l'échantillonnage des pentes externes et des monts sous-marins et les chimistes. Les premières analyses portant sur les groupes des Spongiaires et des Ascidies furent très encourageantes et bientôt le programme SMIB organisa ses propres campagnes océanographiques pour récolter en quantité suffisante (0,3-3 kg) les espèces potentiellement intéressantes (campagnes SMIB 1-10).

Les analyses chimiques donnèrent lieu à la publication de 34 articles portant essentiellement sur les Spongiaires et les Echinodermes [RICHER DE FORGES, 1993c].

Les espèces sur lesquelles ont porté ces études sont : Spongiaires (Phloeodictyon sp., Erylus sp., Neosiphonia superstes, Jereicopsis graphidiophora, Pleroma menoui, Microsleroderma sp., Gellius sp., Reidispongia coerulea, Corallistes undulatus, C. fulvodesmus, Stelletta sp., Zyzza massalis, Agelas dendromorpha) ; Echinodermes (Tremaster novaecaledoniae, Styracaster caroli, Rosaster sp., Gymnocrinus richeri).

Les molécules découvertes sont :

- des pigments tels que la Corallistine A extraite de l'éponge Corallistes sp. ou les Gymnochromes, nouvelle famille pigmentaire, découverts dans le crinoïde pédonculé Gymnocrinus richeri ; la première molécule thermochromique marine signalée dans le Spongiaire Zyzza massalis. Les pigments Gymnochromes décrits dans les crinoïdes actuels sont du même groupe que ceux découverts dans l'espèce fossile (Apiocrinus) du Jurassique de Suisse [RICCARDIS et al., 1991].

- des alcaloïdes (Phloeodictine A & B, Bromoindole) ;

- des stéroides.

Certaines de ces molécules présentent une activité sur les cellules cancéreuses ou sur les virus HIV, d'autres sont étudiées pour leurs propriétés antibiotiques et/ou anti-fouling ou insecticides.

Une évolution récente de ces programmes d'étude des substances naturelles les fait s'orienter vers la microbiologie. En effet, dans de nombreux cas, il a été montré que les substances actives étaient produites, non par les invertébrés eux mêmes, mais par leurs bactéries symbiotiques. L'espoir est donc d'isoler et de cultiver ces bactéries et de leur faire produire ces composés actifs dont les molécules sont trop complexes pour être synthétisées.

L'ensemble des molécules décrites élargit le panorama des substances naturelles connues et apportent de nouveaux éléments pour une chimiotaxonomie et l'évolution moléculaire du vivant [PIETRA, 1995].


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